L’art numérique et la loi : entre innovation et casse-tête juridique

NFT et blockchain : le casse-tête juridique

Les NFT, ces fameux jetons numériques certifiés. Petite désillusion : un NFT, ce n’est pas une œuvre d’art. Techniquement, c’est un smart contract[1], un outil basé sur la blockchain qui certifie la « possession » d’une œuvre.[2] Cela ressemble à un ticket de vestiaire : il prouve que le manteau est à vous, mais il n’est pas le manteau.

Bien souvent, le NFT ne contient même pas l’œuvre elle-même, juste un lien vers celle-ci. Jean Martin (avocat à la Cour) et Pauline Hot (maître des requêtes au Conseil d’État) l’affirment : juridiquement, un NFT n’est pas une œuvre d’art mais plutôt un support.[3]

Bien que les NFT aient séduit des millions d’artistes amateurs, leur cadre légal reste…, encore flou. La loi PACTE de 2019, n’a, par exemple, pas prévu de mode d’emploi pour ce genre de technologie. En effet, cette loi avait surtout pour but d’intégrer un cadre juridique pour les cryptomonnaies (le bitcoin par exemple). Résultat ? Les NFT sont surtout vus comme des contrats, soumis aux conditions des plateformes d’échange.

Art et numérique, c’est, aujourd’hui, surtout l’IA qui questionne

Avec l’arrivée des IA génératives comme ChatGPT, DALL-E ou d’autres outils, une nouvelle question se pose : peut-on qualifier une œuvre générée par une IA d’œuvre d’art ? Et si oui, à qui appartiennent les droits ?[4]

Première nouvelle : une IA ne peut pas être titulaire de droits d’auteur. Pourquoi ? Parce qu’il faut être une personne réelle (un être humain) ou une personne morale (comme une entreprise). L’IA, elle, n’a pas d’état civil, donc pas de protection juridique. En clair, si un artiste utilise une IA pour générer une œuvre, c’est l’artiste qui en devient automatiquement le créateur. Pas d’état civil, pas de droits.

Si l’IA ne peut pas posséder d’œuvre elle peut s’en inspirer[5], ce qui laisse encore un flou juridique. Aux États-Unis, des procès ont déjà été intentés contre OpenAI pour violation de droits d’auteur.

La directive DAMUN autorise en Europe à utiliser les œuvres protégées à la seule condition que les titulaires des droits peuvent choisir de s’y opposer grâce à une clause opt-out. Cette clause permet aux titulaires de droits, les artistes, d’exclure facilement leurs œuvres du mécanisme d’octroi de licences (le fait d’utiliser certaines œuvres sans demander la permission à chaque fois).

Ainsi, quand il est question de reprendre la voix de l’artiste Angèle pour reprendre Saiyan la musique de Heuss L’enfoiré en featuring avec Gazo, la SACEM pose les mêmes conditions[6]. Toute utilisation des œuvres de son répertoire pour entraîner une IA ou pour faire son propre hit nécessite une autorisation préalable et surtout de la transparence quant à l’utilisation de l’IA. Pas besoin de directement contacter les célébrités, la demande peut se faire en ligne sur le site de la SACEM, qui gère la diffusion des créations des artistes qu’elle représente.

L’art numérique face à la loi, une équation encore incomplète

Si d’un côté, la technologie avance à une vitesse folle, multipliant les opportunités créatives et les outils innovants, de l’autre, la loi peine à suivre laissant artistes, créateurs, et plateformes face à des zones d’ombre parfois vertigineuses. Alors, rappelez-vous, tant que la créativité humaine reste au cœur de l’équation, la loi continue de veiller… même si elle a parfois un petit train de retard.

Bibliographie et sources

[1] CHEVALIER, Emmanuelle et TCHIKAIDZE, Georges. Le droit du NFT : les enjeux juridiques d’un encadrement légal des NFTs. In : Village de la Justice [en ligne]. [Consulté le 08/12/2024]. Disponible ici.

[2] BEAUBOURG AVOCATS. NFT et droit d’auteur [en ligne]. [Consulté le 08/12/2024]. Disponible ici. 

[3] Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Mission du CSPLA sur les jetons non fongibles (JNF ou NFT en anglais) [en ligne]. [Consulté le 08/12/2024]. Disponible ici. 

[4] AVOCATS HAAS. « Prompt art » et intelligence artificielle : quels risques pour les auteurs ? [en ligne]. [Consulté le 08/12/2024]. Disponible ici. 

[5] VILLAGE DE LA JUSTICE. IA génératives et métiers du Droit : des constats convergents [en ligne]. [Consulté le 08/12/2024]. Disponible ici. 

[6] SACEM. Pour une intelligence artificielle vertueuse, transparente et… [en ligne]. [Consulté le 08/12/2024]. Disponible ici.

Non-fungible token. In : Wikipedia [en ligne]. [Consulté le 08/12/2024]. Disponible ici. 

NUMEUM. La Propriété Intellectuelle à l’heure de l’IA générative [en ligne]. Juin 2024. [Consulté le 08/12/2024]. Disponible ici.

 

 

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